CHAPITRE II

Organiser une soirée enfantine exige bien souvent plus de préparation qu’une soirée pour adultes, car si pour les jeunes il faut sans cesse trouver des idées amusantes et nouvelles, on satisfait toujours ses hôtes en présentant une bonne table et un bar bien garni. Cela coûte sans doute plus cher, mais vous vous évitez beaucoup de travail. Ainsi pensaient Ariadne Oliver et son amie Judith Butler.

— Je me demande comment se préparent les soirées que donnent les adolescents, fit Judith.

— Ma foi, je ne sais pas.

— À mon avis, ce sont les moins compliquées. Les adultes en sont exclus et les jeunes offrent de tout prendre en main.

— Tiennent-ils parole ?

— Pas dans le sens où nous l’entendons. Ils oublient de s’approvisionner en aliments indispensables et achètent des montagnes de mets immangeables auxquels personne ne touche. Ils cassent beaucoup de verres et de vaisselle et il se trouve souvent un indésirable, vous savez, celui qui arrive les poches pleines de drogues qu’il distribue à la ronde sous forme de cigarettes, pilules et de tout ce qui se vend au marché noir.

— Tout cela est bien déprimant.

— En tout cas, ne vous inquiétez pas. Cette soirée enfantine sera réussie car on peut avoir confiance en Rowena pour tout organiser à la perfection.

La romancière soupira :

— Je n’ai cependant pas le moindre désir de m’y rendre.

— Allez vous étendre une heure et vous verrez, lorsque vous serez sur place, vous ne regretterez pas d’être venue. Il est dommage que Miranda ait un peu de fièvre. Elle est tellement déçue de ne pouvoir être de la fête, la pauvre enfant.

La soirée commença à sept heures trente et se déroula très bien, comme l’avait prédit Judith. Les invités furent ponctuels. Tout marcha à merveille parce que tout avait été soigneusement prévu, organisé. Dans le hall, des éclairages bleus et rouges suivaient la montée des escaliers jusqu’à l’étage et partout, le fameux potiron jaune suspendu ou posé sur les meubles, trônait en vedette. La plupart des jeunes apportèrent des balais décorés qui devaient être présentés, en un concours, à un jury.

Après avoir accueilli son monde, Rowena Drake annonça le programme de la soirée.

— D’abord, le concours des balais avec premier, deuxième et troisième prix pour les mieux décorés, ensuite découpage du gâteau de farine dans la petite serre, plus tard, le jeu des pommes dans la bibliothèque où vous trouverez la liste des équipes que j’ai déjà sélectionnées. Ensuite, il y aura de la musique, au cours de laquelle les danseurs, à l’extinction des lumières, changeront de partenaire. Les filles se réuniront dans le petit salon où elles recevront leur miroir avant le souper suivi du jeu du Snapdragon. Enfin, pour clôturer la fête, la distribution des prix.

Comme au début de toute soirée, les jeunes se laissèrent entraîner sans grand enthousiasme. Les balais, assez hétéroclites et, pour la plupart, mal décorés, furent cependant, admirés complaisamment.

— Je préfère que les enfants ne se soient pas trop excités là-dessus, chuchota Mrs. Drake à ses voisines. Nous pourrons ainsi favoriser ceux qui n’ont aucune chance d’obtenir d’autres prix au cours de la soirée.

— Ce n’est pas très juste, Rowena.

— Ma foi, l’important est que tout le monde s’en aille heureux d’avoir gagné au moins un prix.

— En quoi consiste le jeu du gâteau de farine ? s’enquit Ariadne Oliver.

— On remplit un gobelet de farine en le tassant et après l’avoir retourné sur un plateau, on y dépose une pièce de six pence. Chacun coupe une tranche de farine en essayant de ne pas faire glisser la pièce et les malchanceux sont éliminés jusqu’au dernier qui garde la pièce. Allez, les enfants, commençons !

À ce signal, l’assemblée se dispersa en groupes joyeux. Des cris excités parvinrent de la bibliothèque où se déroulait le jeu des pommes et les concurrents sortirent bientôt les cheveux et les vêtements mouillés.

Le jeu le plus aimé des filles, était celui des miroirs. Mrs. Goodbody, une femme de ménage du voisinage, s’était proposée comme sorcière ; en plus de son nez naturellement crochu qui rejoignait presque son menton, elle prit une voix caverneuse et sinistre pour psalmodier des formules magiques.

— Venez, petite. Vous vous appelez Béatrice, n’est-ce pas ? Ah !… votre nom est intéressant. Ainsi, vous voulez apprendre comment sera votre futur mari, ma belle ? Asseyez-vous ici juste sous cet éclairage et tenez ce miroir dans vos mains. Lorsque la lumière s’éteindra, vous apercevrez l’homme de votre vie. Il regardera par-dessus votre épaule. Tenez le miroir bien ferme.

Soudain un éclair jaillit de derrière un paravent et illumina un des panneaux de la pièce, soigneusement choisi, qui se refléta dans le miroir que tenait la fillette tremblante.

— Oh ! je l’ai vu ! je l’ai vu !

La lumière revint et une photo en couleurs collée sur une carte se détacha du plafond pour voltiger lentement et tomber aux pieds de Béatrice qui sauta de joie.

— C’est bien lui ! Quelle magnifique barbe rousse encadre son visage !

Elle se précipita vers Mrs. Oliver, sa voisine la plus proche.

— Regardez ! Ne trouvez-vous pas qu’il est merveilleux ? Il ressemble beaucoup à Eddie Presweigh, le chanteur de « pop ».

Mrs. Oliver estimait qu’il ressemblait plutôt aux photos qui ornaient trop souvent la première page des quotidiens. La barbe était incontestablement une idée géniale.

— D’où vient cette reproduction ?

Une voisine lui répondit :

— Rowena a demandé ce service à Nicky qui, avec son ami Desmond, se passionne pour les travaux photographiques. Avec des copains, ils se sont déguisés, s’affublant de perruques, barbes et autres accessoires. Le résultat, comme vous le voyez, rend les filles folles de joie.

— Je ne puis m’empêcher de penser qu’à l’heure actuelle, les filles sont vraiment bébêtes.

— Ne l’ont-elles pas toujours été ? rétorqua Rowena.

Après réflexion, Ariadne Oliver dut admettre qu’elle avait sans doute raison.

— À présent, passons à table ! lança Mrs. Drake.

Le repas eut un grand succès ; gâteaux décorés de sucre glacé, canapés, crevettes, fromage et fruits confits, les enfants n’en laissèrent rien. Après cette collation, Rowena déclara :

— Et maintenant, la dernière attraction de la soirée, le Snapdragon. Mais d’abord, suivez-moi tous dans le boudoir pour la distribution des prix.

Chacun reçut un petit souvenir et dans un cri de ralliement, la troupe se précipita à nouveau dans la salle à manger.

Les restes du repas avaient disparu. Au milieu de la table recouverte de feutre, trônait un plat immense où une montagne de raisins secs flambait dans du cognac. On se pressa, se bousculant pour attraper le plus de fruits encore brûlants. Petit à petit, les flammes bleues disparurent et le plat vidé, les lumières furent rallumées. La soirée venait de prendre fin.

— Ce fut un grand succès, remarqua Mrs. Drake rayonnante.

— Vous vous êtes assez donné de mal pour cela.

— C’était parfait. Tous mes compliments, Rowena, dit Judith qui ajouta : Si nous mettions un peu d’ordre pour ne pas laisser trop de travail aux femmes de ménage, demain matin ?

 

La Fête du potiron
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